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Publié : 9 septembre 2013

Médias numériques

La Presse en ligne,

Jean-Marie Charon, Patrick Le Floch / Collection Repères, Editions La Découverte, 2011.

Les prémices

Les auteurs introduisent leur texte par un regard vers le passé proche, les années 1980-1990. C’est aux États-Unis que naît l’Internet de type civil, destiné à n’importe quel internaute, tandis que la France reste en retrait avec son système télématique (minitel) système à la fois de télécommunications et d’information. Peut-on parler de presse, pour les deux systèmes ? Cela revient à réfléchir sur la définition de « presse en ligne ». La notion réfère à un contenu, dans un projet éditorial, dépassant les simples données pour aller vers un propos élaboré. Ce contenu s’appuie sur les fonctionnalité et les potentialités des technologies numériques.

Le flux doit s’éditorialiser

Ainsi trouve-t-on sur l’Internet une moisson d’informations qui n’a rien à voir avec la « presse » et l’éditorialité. Sur Internet, est journalistique ce qui relève « de la recherche, de la collecte, l’analyse et la présentation des faits ». C’est un choix des « sujets les plus signifiants, l’élaboration d’une hiérarchie, la validation de contenus proposés par les non-journalistes ». Ces dernières années la frontière entre les différentes formes de contribution sont devenues floues, le public éclairé pouvant « participer » mais après validation et modération par des journalistes de rédaction.

La notion de contribution relève sans doute de la notion de démocratie, avec le Web 2.0. Il est peut-être non pertinent de considérer que, du fait de la standardisation des techniques, les contenus en soient aussi standardisés. Il est nécessaire d’effectuer une mise en perspective et de considérer un va-et-vient du global et du local, les Internautes étant très attachés aux valeurs de partage et d’enrichissement mutuel par la diversité. De plus, le secteur est un « contexte de très haute incertitude et d’évolutivité ».

La bulle

Mais la technique s’emballe et la « bulle Internet » se crée, fondant de beaux espoirs. L’éclatement de la bulle née dès 1995 se produit en 2000, créant un krach jusqu’en 2002. Les sites d’information sont au mieux ralentis au pire mis à l’arrêt. Des charrettes de personnels sont constituées. Même la presse papier a du mal à trouver des annonceurs, des investisseurs, et le numérique devient l’annexe de la partie papier. Les milieux de l’information en ligne discutent : l’accès doit-il être gratuit ou plutôt un abonnement ? A côté de la gratuité d’affiche, ne faut-il pas penser à des services et à de « l’e-commerce » ?

Face aux portails ou aux moteurs de recherche comme le puissant Google, le secteur est sinistré. Puis cela reprend. En 2003-2004, la fonctionnalité 2.0 doit être réelle et non une vitrine. Interviennent donc les UGC : user generated contents. L’usager produit des contenus. Dans cette veine, l’internaute peut éditer des textes (Indymedia), des images (Flickr), des vidéos (YouTube, MySpace) grâce à l’ADSL. Il peut vendre (Ebay) et se dire dans un journal désintimisé (les blogs).

Certes, mais cela n’est pas de la presse, ce n’est pas de l’éditorialité. Alors s’ouvre la fonction « commentaire » notablement modérée et validée. Des journalistes cherchent à s’exprimer autrement, dans des blogs plus ou moins professionnels, sur lesquels ils sont suivis, mais aussi dans des pure players alternatifs : Rue89, Mediapart. 2008 : crise économique mondiale. L’Internet médiatique pâtit à nouveau, mais comme tous les secteurs, avant de repartir à l’aventure en 2010.

Mobile, tablettes, e-paper…

La période qui s’ouvre en 2010, si elle correspond à une petite embellie économique s’annonce comme une période instable tant au plan des techniques qu’au plan des usages médiatiques qui peuvent en découler. Beaucoup d’éditeurs espèrent en le mobile : ils souhaitent créer des contenus dans un secteur où l’usager est habitué à payer (abonnements). La manne obtenue par les opérateurs peut être reversée aux créateurs de contenus, sans compter sur l’argent des annonceurs qui doit suivre. Les écrans sont petits, et certains les font s’agrandir pour un « affichage enrichi », des claviers facilitant la rédaction. Les contenus peuvent alors jouer sur le trio texte-image-son.

Mais voilà qu’on parle « d’e-paper » (qu’aurait testé le journal Les Echos en 2007-2008) mais aussi des tablettes, des liseuses nettement plus confortables que des téléphones. Pourtant le téléphone n’a pas dit son dernier mot avec le smart-phone, dont l’écran est plus grand et intègre plus de fonctionnalités. Certaines sociétés seraient en train de tester le Web 3.0 avec une « réalité augmentée » et une personnalisation des informations au sens large.

La presse en ligne : cadre juridique

La presse en ligne est un média en devenir, aussi le cadre législatif évolue-t-il même si c’est à petits pas. Le cadre juridique est celui des textes relatifs à la liberté de l’information. Mais l’international y prime souvent : les éditeurs, les moteurs de recherche, les portails peuvent être installés hors de France et échapper aux lois françaises. Le législateur doit tenir compte de cela afin que la presse en ligne n’aille pas vers des « paradis numériques ».

Il est souhaitable de trouver des accords avec les Européens, les États-Unis, sous forme de conventions internationales, de principes communs. De plus, la presse en ligne est hétérogène : elle fait « cohabiter sur ses sites des contenus éditoriaux produits par elle-même, d’autres acteurs professionnels (agences), avec des contenus émanant d’amateurs, les internautes. » Cette production professionnelle et d’ « amateurs » est une situation nouvelle.

Quelle liberté ?

La presse en ligne s’inscrit sans difficultés dans la loi de 1881. On peut y trouver trois volets complémentaires : le principe de la liberté, la nature de la responsabilité et les procédures applicables en cas de délit. Le premier volet fait l’objet d’une simple transposition, seul le support étant différent. Pour la responsabilité, c’est autre chose. La responsabilité incombant au directeur de publication n’est pas simple du tout, elle doit être tempérée. Le directeur n’est pas en mesure de contrôler tous les contenus, d’autant que textes et illustrations sont issus des internautes, libres d’aller et de venir. Il n’est pas possible de mettre en œuvre la responsabilité « en cascade » : responsabilité du directeur de publication, de l’imprimeur, du diffuseur, du vendeur…

La diffamation et l’injure ne peuvent être aussi facilement ciblées que dans la publication traditionnelle. Les autres dispositions ont été transférées : protection de la vie privée, de la jeunesse, du secret de l’enquête et de l’instruction, respect de la présomption d’innocence. Des propos incriminés venus des internautes engagent-ils la responsabilité de l’éditeur, de l’hébergeur, du fournisseur d’accès ? Il est vrai qu’une bonne modération repère tout de suite les propos à supprimer et corrige l’édition. Comment identifier l’auteur réel d’un propos raciste par exemple ? Utilise-t-il un pseudonyme ?

Comme dans la presse papier, une personne, une institution diffamées ont un droit de réponse à l’emplacement de l’édition originale. Le directeur, l’éditeur est informé du fait et corrige en signalant la production illicite de l’internaute. Dans le cas où il ne réagit pas, une notification est envoyée à l’hébergeur qui doit réagir dans un délai court. Le délai de prescription commence à la date de la mise en ligne. Pour un contenu anonyme ou sous pseudonyme, le plaignant doit faire appel à un juge, qui diligente une enquête de police qui identifie l’auteur du propos délictueux : l’adresse IP (celle de l’ordinateur source, dans le cas où ce n’est pas un piratage).

Le statut de l’entreprise en ligne

Le statut a été défini en 2004 (notion de « confiance dans l’économie numérique »), puis renforcé par la loi Hadopi « pour la diffusion et la protection de la création sur Internet ». Cette loi prend en charge la particularité de la publication numérique « pour transmission de données numériques » et « échanges réciproques d’informations entre éditeur et récepteur ». La loi prend en charge aussi les fournisseurs d’accès, les fournisseurs d’hébergement et les « éditeurs de services ». Il y a donc une législation pour l’ « éditeur de presse en ligne ».

L’éditeur est censé élaborer et déterminer du contenu, il se distingue de l’éditeur de services. Il fournit une « information d’actualité » spécifique dans le cas des pure players (média seulement numérique). Quand le média produit de l’information de type politique et général, l’éditeur de presse en ligne doit employer « au moins un journaliste professionnel ». Le contenu est « obligatoirement renouvelé, périodiquement, et daté ».

La démarche de l’éditeur ne doit pas être une démarche motivée par la promotion ou accessoire par rapport à une activité industrielle. Une transparence s’impose : le public doit avoir accès au nom, à l’adresse, au numéro de téléphone de l’éditeur mais aussi du fournisseur d’hébergement. La reconnaissance du statut d’éditeur, le respect par celui-ci des règles en vigueur permettent à l’entreprise, comme aux journalistes, de bénéficier des dispositions d’aide de l’État « figurant parmi les aides à la presse ».

En 2010, les SPEL (Services de presse en ligne) bénéficient d’une aide de l’État à hauteur de 20 millions d’euros : par exemple, 249 000 euros pour Rue89, 200 000 pour Mediapart et 199 000 pour Slate.

Responsabilité, tout de même… du directeur de la publication

Selon la loi de 1881, le directeur doit être en état de ne pas être responsable d’infractions, notamment les « dérapages » d’internautes : il doit essayer de se tenir informé régulièrement de délits éventuels afin de bénéficier d’une responsabilité « atténuée ». Il doit agir le plus rapidement possible à propos d’un délit sur le site en créant un système de veille.

La vigilance doit être plus grande dans la mesure où cela ne doit pas « entraver la dynamique et la vivacité des services dits contributifs », « la participation à l’intérêt général ». Les prestataires (fournisseurs d’accès, d’hébergement, agrégateurs) avec la loi de 2004 sont exonérés de responsabilité, mais ils doivent conserver les données permettant l’identification de mauvais acteurs sur le site.

La loi de 1881 ne fait pas la distinction entre les professionnels et les amateurs, c’est l’éditeur de presse qui doit avoir une démarche professionnelle, en s’entourant de professionnels obéissant aux règles sociales et déontologiques. La possibilité existe de faire passer des contributeurs réguliers et rémunérés de l’état d’amateur à celui de professionnels, sans considération de diplôme. S’il n’est pas toujours rémunéré le journaliste amateur est considéré comme « journaliste citoyen ». Un directeur de presse, ne possédant pas une carte de presse, et se faisant son auto-éditeur est exclu de la législation.

Les droits d’auteur

Le développement de contenus en ligne soulève le problème du droit d’auteur. Lorsque la presse en ligne était balbutiante, la reprise par un éditeur d’articles de journalistes sur papier, en publication secondaire et rare ne posait pas de problème. Mais aujourd’hui le droit d’auteur s’applique à un article papier qui serait transcrit en ligne. C’est la différence avec le « copyright » anglo-saxon où le directeur de publication dispose des articles.

La France, elle, reconnaît le droit d’auteur du journaliste. Les Dernières nouvelles d’Alsace ou France 3 avaient été condamnés pour le transfert de contenus. La notion de support laisse la place à celle de publication et de temporalité : « Au terme d’une certaine durée, l’exploitation d‘un texte donne lieu à rémunération sous forme de droit d’auteur ou de salaire ». Cependant, dans le cas de groupes de presse, formant « famille cohérente », avec ligne éditoriale marquée, les articles peuvent être transposés de support à support sans droit d’auteur. Des différends existent, et il semble manquer un ou des texte(s) plus clairs dans « une fragilité du modèle économique » de la presse numérique.

Les principales formes de la presse en ligne

Par une observation méthodique, on arrive à « identifier des formes répandues » avec une « réelle cohérence ». Quelles sont-elles ? Personne, en ce domaine, n’a trouvé un typé « abouti ». Les sites sont en recherche, à l’affût d’innovations.

L’actualité généraliste

Ils présentent un grand éventail de domaines, émanant de médias existants (presse, radio, télé). Ce sont les sites émanant de la radio et de la télé qui étaient hésitants sur la forme à prendre, vu leur hétérogénéité et richesse de départ. Aux États-Unis, ce sont les sites issus de télévisions qui ont la première place. En France, le mouvement a été lancé par la presse écrite : Lemonde, Liberation, Lefigaro, 20minutes, Nouvelobs, Lexpress. Lemonde et Liberation ont été créés en 1995.

Ces sites sont ceux qui ont les plus fortes audiences. Le type d’information et le traitement qui en est fait participent à la crédibilité des médias en ligne. L’information est « « rafraîchie » en permanence, 18 heures sur 24, sous forme d’éditions successives ou en continu. On peut y déceler un « noyau de base de nouvelles ». L’information est diversifiée, sur les thèmes et sur leur traitement. Cela peut aller du « flash factuel » au dossier, « en passant par les blogs », blogs de journalistes.

La diversité apparaît dès page d’accueil qui offre du texte, du son, de l’image fixe ou mobile. On voit du défilement, et des bandeaux de menus constitués par des mots clés. L’écran est en gros tripartite : à gauche, les articles en résumés (titres, chapeaux, renvois), le centre correspond plutôt à l’information « chaude » issue de dépêches d’agences, des annonces de blogs, d’éditoriaux. A droite, on a des services et des renvois aux PDF des « papiers ».

Les sites travaillent la nouvelle « chaude » qui est annoncée de manière brute, puis de plus en plus travaillée au fil du temps. Chronologiquement, donc, la dernière nouvelle se trouve en haut pour susciter l’attention. Les nouvelles peuvent être nettement enrichies sous la forme de dossier avec des entrées différentes et des illustrations qui apportent réellement du sens. L’équipe de rédaction n’enrichit pas à ce point toutes les informations, sinon on retomberait dans la longueur du papier.

Les articles peuvent être ouverts aux internautes, qui sont parfois des spécialistes, aux blogs desquels on peut renvoyer. Les enrichissements peuvent passer par le support vidéo avec des « talk » sur plateaux invitant des spécialistes ou les personnes sur lesquelles se fondent l’information, parfois. Des questions ou approfondies ou du type sondage rapide sont aussi offertes à l’internaute qui est amené à s’exprimer lui aussi, avec plus ou moins de cohérence.

Les sites issus de la radio et de la télé ont été hésitants sur la forme à adopter.

Les radios et les télévisions ont du réfléchir, en « approche éditoriale » sur la place des contenus non numériques dans ce nouvel espace à définir et maîtriser. Par le principe du « streaming », du podcast /VOD, une place principale est fournie aux programmes, journaux et JT du matin et du soir. La fonction « replay » permet à l’internaute de rattraper ce qui lui aurait échappé.

RTL.fr est le site qui utilise le plus systématiquement les programmes de ses ondes, des sons produits tout au long de la journée. Les « sujets retenus » sont « repris », « titrés », introduits par de « simples chapeaux et illustrés de photos. A l’inverse, France2 ou Europe1 ne réutilisent pas leur contenu déjà réalisé par « la maison mère ». TF1 se situe en position intermédiaire, car elle alimente son site de programmes en continu, de son satellite LCI. Radio France a confié à France Info le soin de la fourniture continue du site.

Les radios et les télés « optent pour une production en contenu texte et photo », en « formats courts » sur l’ « actualité chaude », mais les sujets sont peu nombreux. Seules comptent les informations les plus significatives. En général, les articles ne sont pas signés, hormis à France Info. Les « signatures » sont présentes à l’intérieur des blogs liés. Les chaînes des services publics attribuent une place à leur « médiateur » pour l’écho aux internautes, encore que ceux-ci ne « participent » pas.

Les sites d’actualités locaux

On en trouve une assez grande variété, distribuée en sites de la PQR (presse quotidienne régionale), hebdomadaires locaux (régionaux et départementaux), parfois spécialisés sur un petit territoire, ainsi que des pure players. Ce sont évidemment les sites des grands quotidiens qui sont le plus visibles. Mais ils sont peu stabilisés dans leur esthétique, leur ergonomie ; ils sont en recherche d’eux-mêmes.

Ils évoluent souplement. Dès la page d’accueil, il y a proposition de nouvelles de proximité, souvent communes entre papier et numérique. On assiste à un retitrage, une illustration différente. Il y a une densité des entrées qui établit une grande variété visuelle et de contenu. Il s’agit de flatter et fidéliser l’internaute. L’accent est porté sur la vie pratique, la vie quotidienne, les loisirs, le divertissement et la culture. Des questionnaires sont dressés pour l’internaute afin de créer des tendances, des statistiques.

Le participatif est important, chaque article pouvant appeler une réponse, mais la participation est « sous-investie » par les internautes.

Les sites d’actualités spécialisés

Ces sites recouvrent les domaines, comme pour la presse quotidienne, de la politique, de l’économie, du sport. Ils sont les plus nombreux et les plus diversifiés en terme de maquette et sont parfois des pure players. Pour l’économie, par exemple, on ne peut parler de transpositions. La conception éditoriale vise un public « haut de gamme ». Lesechos sont sobres, avec une « élégance discrète », peu illustrés, sauf par des graphiques. Lesechos traitent aussi bien l’information la plus immédiate, en rendant compte de dépêches, mais le gros des articles repose sur de l’analyse et des dossiers.

Les pure players spécialisés se rapprochent aussi des sites analytiques et d’approfondissement de l’information. La rédaction recourt souvent à des spécialistes connus. Des liens amènent vers les blogs des spécialistes comme pour Latribune.

Les sites spécialisés sont pléthore en sport. Ils sont colorés, variés, associent photos et vidéos, essaient de cultiver une proximité de « home page » (page locale) et se rapprochent des sites d’actualité populaires, ce qui donne l’impression qu’ils sont rattachés à l’imprimé ou à l’audiovisuel.

Beaucoup d’entrées, par mots clés, en fonction des disciplines sportives, de matches particuliers abondamment analysés et commentés donnant l’illusion de vivre l’événement ou de le revivre. Les experts sont souvent d’anciens sportifs qui collaborent avec les journalistes et sont souvent considérés par l’internaute comme journalistes à part entière, avec le « plus » de l’expérience sur les terrains.

Lequipe offre un accès à Sportvox, plateforme participative, avec la même démarche éditoriale qu’Agoravox. En plus du sport, les spécialistes du sport offre de la « distraction », du « jeu et du commerce » pas forcément lié au thème du journal.

Les sites d’enquête et d’analyse

Ces sites du fait de leur ambition sont décalés « du flot de nouvelles ». Ils introduisent des éléments nouveaux ou des prolongements : « révélations » et « propositions d’angles inusités », une « grande liberté d’analyse ». Dans le cas des « News magazines », on a affaire à des pure players, à l’initiative de journalistes (Mediapart, Rue89, Owni).

Ces magazines en ligne ne se ressemblent pas esthétiquement, ils développent leur propre ligne éditoriale, avec des structures de page d’accueil originales. Ils ont en commun une souplesse sur la longueur, le style, l’écriture des articles, voire dossiers. Ils sont impertinents et agaçants, humoristiques, souvent polémiques vis-à-vis de l’establishment. . L’analyse sérieuse se double d’une riche illustration (photos, vidéos, infographie) qui la rend bien lisible.

Les sites des magazines

Il sont rattachés à leur magazine papier mais ne s’y adossent pas. Les relations sont en effet « fluctuantes avec les versions imprimées ». Ils sont très spécialisés : spécialistes télévisuels, féminin, people, découverte et vulgarisation scientifique, jardinage, sports particuliers, décoration etc. Ils sont en « décrochage de l’actualité » générale ; ce n’est pas leur vocation.

La leur est de « flatter » et satisfaire les centres d’intérêts des internautes. Si les sites ne sont pas forcément adossés au magazine papier, en revanche, du point de vue esthétique, on note une articulation et une cohérence, on s’en aperçoit dans les « féminins hauts de gamme ou moyenne gamme ». Des titres peuvent être liés sans que cela se voie : ainsi Psychologie s’est appuyé sur l’ancien pure player Doctissimo et travaille dans le même groupe qu’Elle.fr.

Hormis Télerama, peu de sites spécialisés recourent à du multimédia original, les autres n’usant pas beaucoup de la vidéo par exemple, sauf pour des bandes-annonces, extraits d’émissions de télévision convergeant avec le thème traité. Peu de « chats », de forums. Les experts non journalistes n’ont pas de blogs liés et leur intervention est rare.

Structures de la presse en ligne

Elles peuvent paraître proches de la presse traditionnelle : rédaction, publicité, marketing. Cela « saute aux yeux » quand on observe les rédactions et les services commerciaux. Au début, du point de vue rédactionnel, il a été demandé à chaque journaliste d’étendre ses compétences de l’imprimé. Mais cela exige des « compétences propres en invention ». Les tailles des rédactions sont évidemment très différentes Le New York Times possède 1400 journalistes (papier et compétents sur le Net), Le Monde 280, Mediapart 25, Slate.fr en compte 5 « adossés à un réseau de pigistes ».

On parle pour les pure players tels que Mediapart ou Slate.fr de journalistes « dédiés », uniquement consacrés à un site. Les rédactions de sites généralistes sont en compétition pour être en tête de l’audience. Lefigaro a 40 journalistes, Lemonde 35 journalistes dédiés. Comme le premier a une zone « premium », pour abonnés, il a renforcé son effectif numérique.

Il n’est pas sûr que le renforcement soit une solution, notamment pour les sites adossés à leurs médias d’origine. La coopération et l’intégration des journalistes des autres médias du groupe sont plus payantes. Le Parisien a 20 journalistes de « desk Web » et une unité vidéo, potentiels, qui peuvent intervenir tous ensemble sur le site en cas de coup de feu de l’actualité.

Les sites de presse quotidienne locale, qui se penchent surtout sur le commentaire et l’analyse, ont intérêt à n’avoir qu’une toute petite équipe. Le site de Mediapart, par exemple, a un effectif de 20 journalistes, habitués à la rédaction, mais aussi pour certains, formés au data journalisme et community managers (animateurs, médiateurs d’intervenants plus ou moins amateurs).

Les desk symbolisent les « spécificités de la rédaction web », c’est-à-dire une équipe « à flux tendu », travaillant sur une grande amplitude horaire (18 à 20 heures), traitant de l’information chaude. Contrairement à l’équipe de desk, non spécialisée, des membres de la rédaction s’occupent des « éditions successives », ont les mêmes spécialités que les rédactions traditionnelles : politique, économie, société, culture… Les sites de presse régionale, travaillent en petite équipe, en « localiers » multi supports (imprimé et web) avec des minicaméras numériques.

Les « animateurs » de communauté, ou de site traitent, modèrent les commentaires des non journalistes. Ce sont soit des journalistes qui ont bien suivi l’évolution technique ou alors des journalistes ou des « cadres », connus, de l’imprimé, tel Jean-Marcel Bouguereau pour Nouvelobs. Pour la finalisation, « la mise en scène du site au fil de la journée » repose sur une cellule de cadres (secrétaires de rédaction, chefs d’édition) ou des « front page editor » qui sont chargés de la Une.

Certains parlent de « forçats de l’info » dans le cas des journalistes de desk ou des journalistes d’éditions régulières, car ils sont producteur d’informations de « grande consommation ». Les animateurs de sites sont en évolution, inventifs, car ils apportent au média des commentaires d’internautes parfois très enrichissants, ils animent des forums, proposent des chats, ce qui inspire à la rédaction autant de sujets à traiter suggérés par l’audience.

Les observateurs de la presse en ligne estiment qu’on a affaire à un tournant journalistique : une synergie entre des journalistes diplômés, des non journalistes plutôt spécialisés dans la documentation, des animateurs (formés souvent dans la communication et le marketing). Ils s’interrogent : n’est-ce pas un journalisme « low cost », de « placard », de « seconde zone », où, quelle que soit la compétence, les salariés ne sont recrutés qu’en CDD, ou alors dépendent de filiales qui paient moins bien.

La publicité

Sur Internet les ressources publicitaires prennent « deux formes distinctes » : la publicité commerciale, ou de marque, et les petites annonces (PA ou Classified). Pour ce qui est des annonces Le Figaro en fait dans ses pages papier (très lucratives) mais il existe à côte de la presse en ligne des sites spécialisés dans les annonces, elles-mêmes catégorisées. Ce sont des géants internationaux.

Quant aux annonces commerciales (sous forme de « bandeaux », de « bannières », de mini écrans pièges difficile à décoller de la souris), elles baissent ou stagnent. Les annonceurs privilégient « un mode de communication (et de tarification) à la performance », c’est-à-dire au nombre de clics, de temps passé sur l’annonce, éventuellement prolongé par une visite du site de l’annonceur. Mais l’internaute vient sur le site média pour s’informer et s’il sent que les limites sont dépassées dans la cession de terrain aux annonces, à l’annonce parasite, il estime inconsciemment avoir affaire à une information détériorée.

Marketing, commerce

La presse en ligne est confrontée sur son support à une « profusion de l’offre » et se doit de « développer une démarche de marketing très active » : elle déploie des « services commerciaux » de nature à compléter « l’insuffisance de rémunération par la publicité et la vente de l’information », quand elle en vend, le plus grand nombre de sites étant gratuits. Les pure players se dotent d’une ou deux personnes dédiées à cette activité.

Il s’agit de se faire référencer par les agrégateurs (les robots algorithmiques) susceptibles de faire sortir le site à une bonne place suite à une requête thématique d’un internaute sur un moteur de recherche ; il s’agit de revendre les contenus purement informationnels (travaillés, hiérarchisés) à des portails purement commerciaux ou de recherche qui en manquent (Google, Yahoo, Orange) ; et enfin il s’agit de faire de l’e-commerce, d’assurer des ventes à des partenaires contre pourcentage.

Les pure players tablent sur leur qualité et sur la fidélité d’abonnés, seules certaines parties des sites étant gratuites. Dès que l’on souhaite un approfondissement de l’article, il faut s’abonner. Mediapart, Arrêtsurimage jouent aussi sur les contenus contributifs.

Les données disponibles sur le modèle économique des sites d’informations en ligne, en ces années 2010, ne permettent pas de dire que les sites trouvent leur équilibre et une rentabilité. L’abonnement, la publicité, les ventes de contenus ne génèrent pas des pactoles. Lefigaro a des partenaires comme Bazarchic ou Tiketac, mais ce type de partenaires n’est pas nombreux. Les sites régionaux, locaux, doivent jouer de l’e-commerce et des services aux internautes relevant du loisir, de la culture.

Fin de la 1ère partie