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Publié : 15 juin 2016

24 heures sur 24

Journaliste d’agence de presse

Jean-François Richard, Presse universitaires de Grenoble, 2013

L’agencier

Le journaliste travaille dans un cadre complexe : politique, économique, social et il obéit à une déontologie. L’agencier (le journaliste d’une agence de presse) obéit aux mêmes règles.

Mais il travaille le plus possible « en temps réel », restituant l’actualité 24 heures sur 24, en s’appuyant « sur des techniques toujours en évolution ». Il possède des techniques et genres rédactionnels spécifiques. A l’heure d’Internet, il n’est pas le seul à chercher l’information de première main, mais il s’en tient à des sources très fiables et à une expertise dans la vérification de ses sources.

Qu’est-ce que l’agence de presse ?

Elles sont nées dans les années 1850 et ont évolué… L’agence est un « grossiste » qui vend à des « détaillants » : médias, institutions, groupes (gouvernements, ONG) de l’information, textes, photos, infographie, sons, des « pages prêtes à être diffusées », des « réponses adaptées » à des chefs d’entreprises.

Les agences informent les médias pas assez riches pour avoir des équipes vérificatrices et déontologues. PA (Press Association) fournit le Royaume-Uni mais une agence peut être internationale avec des milliers d’employés. Elles ont des clients « abonnés » à qui elles tarifent en fonction des audiences des médias clients. Elles ne s’adressent pas au grand public, et, par exemple, le conseil d’administration de l’AFP (Agence France Presse) refuse que les informations soient vendues au grand public.

On ignore que la France compte 230 agences de presses (fédérées pour la moitié) car depuis 1945 la législation estime cela nécessaire à la démocratie. Elles bénéficient d’avantages : allégement de charges sociales, subventions, taux réduit de TVA, exonération de taxe professionnelle. Mais les « informations véhiculées » doivent être garanties, d’une qualité irréprochable.

Trois grandes agences se partagent le monde : Associated Press (AP), l’américaine (depuis 1846), l’Agence France Presse (AFP), la française au statut révisé en 1957, Reuters, la britannique (« propriété du canadien Thomson depuis 2007 »).

Implantations, les bureaux

L’AFP est aujourd’hui implantée dans 165 pays. Elle est issue d’Havas (fondée par Charles-Louis Havas), elle est la plus vieilles des agences mondiales, produit en six langues, elle « fournit » quotidiennement de l’information à 10 000 médias mondiaux, 700 photos et 50 infographies. Elle est présente sur l’Internet. Elle a réparti « ses centres sur cinq sites : Paris, Hong Kong, Montevideo, Nicosie, Washington. Elle a un statut officiel (voté par le parlement en 1957) en tant qu’organisme tenu « à l’information complète et objective ». Elle est normalement « à l’abri de toute influence de nature à compromettre l’exactitude et l’objectivité ». C’est « en raison du décalage horaire et du temps nécessaire pour accéder aux scènes d’information » que les agences disposent de « bureaux ».

Elles emploient « des journalistes professionnels envoyés en mission pour diriger les bureaux », elles recrutent localement, aussi, des journalistes natifs du lieu et parlant français, pour l’AFP. Ou encore des « pigistes » en fonction de l’importance des événements à rapporter.

Il existe une agence chinoise Xinhua mais qui rend compte des faits mondiaux selon une optique purement chinoise. L’agence anciennement soviétique et mondiale TASS se concentre sur la Russie et ses environs, l’espagnole EFE sur le bassin linguistique avec l’Amérique du Sud.

Du pigeon voyageur à la fébrilité de l’instant technique

Charle-Louis Havas (né à Rouen en, 1873), banquier devenu « journaliste » sent tout de suite que l’information est déterminante en économie pour les bourses et se fonde sur de nouvelles techniques. Il transforme son entreprise de traduction de « feuilles européennes » surtout économiques en feuilles politiques, à valeur générale : « découverte de gisements pétroliers », « tentative de coup d’Etat ».

Le technique doit suivre : le pigeon voyageur, le télégraphe de Chappe, les machines à vapeur comme le train ou le bateau, le télégraphe électrique ; en 1866 c’est le câble sous-marin Irlande / Terrre-Neuve et Amérique du Nord ; puis on passe au téléphone (Bell) et au téléscripteur qui imprime « instantanément les textes des messages télégraphiques ». Les journaux s’équipent alors des téléscripteurs en 1920. L’AFP passe au satellite en 1960, puis avec l’informatisation ce seront les images qui seront transmises très rapidement.

Aujourd’hui, les agences de presse ont des lignes internet privées auprès de fournisseurs d’accès et diffusent par ce moyen éclair. Les réseaux sociaux comme Twitter ont accéléré le rythme mais comme les particuliers peuvent se faire lanceurs d’alerte la prudence est maximale avec des recoupements très sévères des alertes. Et le rôle des agences est celui de la certification et de la garantie, même si de rares accidents d’annonces peuvent survenir.

Mutualisation et certification

Au XIXe siècle la technique faisant défaut face à l’instantanéité, les agences mondiales mutualisaient leurs efforts et se transmettaient des informations sur le mode de l’échange donnant-donnant. Mais cette collaboration vole en éclats avec le premier conflit mondial. L’information est une arme stratégique.

L’image et le maigre droit d’auteur qui s’ensuit

Concurremment au texte, l’image est aussi une arme potentielle, avec une montée progressive dans le rendu (dévoilement de l’armement, photo aérienne). 826, les premières photos stratégiques commencent avec la guerre de Crimée. Similigravure, bélinographe (transmission à distance argentique), lequel bélinographe a vécu jusqu’en 1980. Puis le remplacement de l’argentique par le numérique rend tout possible (redoutable système de retouche dans de mauvaises mains). Les photographes cèdent leurs droits à des agences de presse puis à des agences spécialisées dans l’image et la photo. Ils deviennent des photojournalistes contractuels ou simplement pigistes.

La presse évolue du journal au magazine où l’illustration photographique joue un rôle majeur, en concurrence du texte : Match (1926), Vu (1928-1938), Voilà (1931-1939), ailleurs Picture Post, Life, Look. De grands noms collaborent entre information et esthétisme motivé : Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, William Vandivert, David Seymour travaillent en co-production pour Magnum. D’autres créent Gamma, Sygma, mais Sipa est régie de main de maître par le journaliste turc Goskin Sipahioglu.

La photo numérique d’agence a fait baisser les prix des photos de manière substantielle, transformant les grands photographes en personnels précaires, face à des changements de statut des agences qui fusionnent en « majors » tombeaux de la profession (rachat de Sygma par Corbis de Bill Gates, en 1999). Des photos sont achetées par des médias pour une quinzaine d’euros à des jeunes qui se lancent dans la profession. Ils doivent travailler « hors-presse » pour des publicitaires : « brochures de supermarché », création pour des campagnes d’entreprises, « des posters, des cartes postales, les multimédias, les sites web ». Magnum résiste avec difficulté.

Le numérique a « occasionné une nouvelle répartition du marché » : pour l’actualité chaude, les agences textes-images (AFP, Reuteurs, AP) vendent directement aux médias ; Getty Images (fondée par le fils du milliardaire américain) avait juré concevoir son activité comme banque ou conservation patrimoniales mais vend surtout pour la publicité ; enfin, quelques agences « niches » se spécialisent dans le sport et l’économie et vivotent.

Le label d’information certifiée par les grandes agences

Les agences certifient leur information par deux règles essentielles : 1) citer sa/ses source/s 2) certifier une multiplication de sources recoupées. Elles proposent, comme dans l’industrie, des labels de confiance. En 1953, alors que Staline est sur le point de mourir, les agences doivent tout lire, écouter, voir de ce qui « sort » d’Union soviétique, mais l’information est livrée au compte-goutte en rétention. Un journaliste de l’AFP (Alexis Schiray) écoute et fait écouter Radio Moscou 24 heures sur 24 : c’est à la fin d’une émission musicale, que la mort est annoncée puis relayée d’abord par Paris. Les grands médias américains puisent dans la production de l’AFP pour cet événement.

Les grandes agences se méfient cependant des pays aux régimes fondés sur un système de propagande et demandent à leurs journalistes d’essayer d’obtenir des informations de première main, de rencontrer des témoins directs, même si c’est difficile. Il est possible de publier mais en signalant la faible qualité de sources, de mettre les faits en perspective. Le doute et le questionnement des faits est une démarche journalistique, plutôt que de ne rien produire.

Cependant, la vive concurrence entre agences et la primauté du critère de vitesse de l’annonce peuvent amener des failles que Pierre Bourdieu appelle « la circulation circulaire de l’information ».

Le questionnement permet de ne pas répandre des choses fausses. L’exemple du « charnier de Timisoara » reste dans les mémoires : en 1989, à la chute du régime de Ceausescu, on annonce la découverte d’un charnier de grande dimension avec des corps affreusement torturés. Après vérifications sérieuses, on apprend qu’il s’agit du déplacement de corps issus d’un cimetière proche qui ne pouvait accueillir l’ensemble des défunts. Les armes de destruction massive censément possédées par l’Irak, en 2003, étaient une invention pour désinformer et justifier une action militaire. Les agences ne veulent plus d’affaires aussi désastreuses.

L’organisation d’une méthode sans faille

Comment ne pas se tromper, comment rester neutre ? Les productions des journalistes de terrain sont reçues, relues, triées par les « journalistes de bureau » (deskers) dans une mise en forme appelée « édition ». La production et la diffusion restent identiques même en notre temps d’ordinateurs, de tablettes, de téléphones intelligents et du satellite.

L’agence est organisée en bureau locaux qui travaillent en aires « géographiques ». Les journalistes doivent avoir un statut international dont la couverture peut être une ville, une région, un pays. Ils doivent cultiver des liens avec des personnes sources fiables du terrain. Les témoignages, les reportages établis avec des aides du terrain sont vérifiés par les bureaux locaux, avant d’être envoyé vers le siège de l’AFP, où les journalistes de bureau vérifient encore et encore. Ce n’est qu’après que les dépêches sont envoyées aux clients.

Un événement qui « accapare les gros titres » met en jeu une dizaine de journalistes très fiables, qui ne représentent que « la partie émergée de l’iceberg » afin que le reste des journalistes puissent travailler à d’autres sujets susceptibles de devenir importants à leur tour.

Les "breaking news", les dépêches, interrompent le cours de l’information habituelle, ou d’agenda, déjà « programmée » (visite de chef d’état, naissance dans une famille royale) sous la forme d’une narration qui s’étoffe au fur et à mesure et qui est enrichie d’images, pas faciles à réaliser car les photoreporters doivent faire face à l’imprévu en zones de danger parfois.

Le travail de desk géographique

L’équipe de journalistes de bureau des « capitales » de zones géographiques ont la charge d’ « habiller », de « calibrer » les articles qui leur ont été envoyés depuis le terrain et fournissent le « background » demandé par les clients, c’est-à-dire « les rappels historiques, la situation géographique, politique, économique, juridique ». Ils enrichissent l’article de toute une connaissance que ne peut pas avoir un collègue parisien.

Après avoir fourni ces dépêches très enrichies, les capitales géographiques assurent les « priorités et le volume », « la conformité aux normes d’écriture », et le suivi de l’événement. La finalité de ce travail est de fournir des dépêches qui sont des articles prêts à l’emploi de rédaction qui n’ont pas assez de journalistes pour assurer ce travail fondamental. Ce travail fournit le « fil » des abonnés avec à la fois une mise en perspective et une grande cohérence.

Un envoyé spécial sur zone se doit de passer par le bureau de la capitale géographique pour de se faire donner des fiches d’information et de documentation sur la région, sur les causes parfois complexes de l’événement, se faire indiquer des contacts et des guides. Il est recommandé de ne surtout pas utiliser Wikipédia pour ne pas commettre de bévue ou de répétition par rapport à tous ceux qui l’utiliseraient.

Les agences utilisent des rédacteurs et des relecteurs d’information au point dans les technologies récentes, de manière que les émetteurs et les destinataires travaillent sur des standards clairs à la fois pour les textes et pour les images, avec des capacités de « stockage de métadonnées : mots-clés, catégorisation, titre, auteur, agence, copyright, date de création, version ». C’est nécessaire pour la couverture multimédia : « A l’heure des traitements de texte, le journaliste écrit ses dépêches et le photographe ses légendes, dans des masques qui leur permettent de coder sans difficulté leurs objets avec des métadonnées que les ordinateurs récepteurs sauront lire sans intervention humaine ».

Caractéristique de la dépêche d’agence : le temps réel

L’agence doit faire preuve de « rapidité et d’exactitude » pour fournir des clients qui diffusent en flux continu. Le critère de comparaison entre agences est la rapidité, mais seulement si cette rapidité est fiable. La rapidité est le fruit d’une « culture des sources », d’un « bon réseau d’alerte » et un « travail de dossier » d’une grande qualité d’écriture.

Comment se traduit la qualité d’écriture ? Par le respect impératif de « règles de présentation et de découpage tout au long de la chaîne informatique ». La fiabilité repose aussi sur l’ « impartialité » des nouvelles traitées. On doit représenter tous les points de vue. Les valeurs ternaires sont : la vérité (ou le souci d’honnêteté), l’impartialité, le pluralisme.

- Construction de la vérité : vérification et exactitude des faits, explication claire, caractère complet sans omission qui fausse le sens et obligation de correction, ensuite, si une erreur a eu lieu.

- Construction de l’impartialité : une hiérarchisation objective des faits, la conviction intime de rendre compte sans altération.

- Construction du pluralisme : les informations sont le plus souvent le conflit ou la confrontation d’idées ; elles doivent être toutes représentées, si possible par l’interview des différents protagonistes ou par l’usage égal et neutre de leurs propos.

Les sources

Toute information comporte obligatoirement sa source, indiquée « dès l’accroche (le premier paragraphe) », la plus précise possible.

Si « une source est douteuse ou imprécise, la sécurité doit l’emporter sur la rapidité. Il faut vérifier et recouper ». Mais on peut faire état d’une « rumeur » pour indiquer l’influence qu’elle a ou qu’elle a eue, pour un « mouvement boursier » par exemple. Si une source n’est pas identifiée, émane d’une sphère particulière, on précise : « de source informée », « dans les milieux officiels » et le relecteur de bureau devra respecter ces formules.

Il arrive que le journaliste soit sa propre source : il a réalisé une interview, il effectue un reportage (rapporter en anglais). Mais il n’utilise pas la première personne du singulier sauf cas particulier. Si l’interview fournit la parole à un protagoniste, mais que l’on sait qu’un tiers est en jeu, on juxtapose les dires de ce tiers si on les possède. Le journaliste ne prend pas position, il présente équitablement deux opinions.

Dans un reportage, si le journaliste agencier fait entrer « des appréciations, un jugement de valeur, des commentaires », il doit en indiquer les sources comme contre-opinion équitable.

On ne peut parler de « sources concordantes » que lorsqu’elles émanent de sphères différentes, indépendantes ; on ne peut se contenter, en agence, de « sources officielles », elles doivent être contrebalancées par d’autres, issues d’une opposition. Quand le journaliste se voit confier une information « off the record » (sans que cela soit enregistré), ou si une source ne veut pas qu’on la cite, il faut se demander si cette source est sincère et indiquer de quelle manière l’information a été fournie.

Les guillemets sont la marque de paroles exactes. « Lorsqu’elles sont utilisées très partiellement en accroche, il faut en rendre compte plus longuement dans le corps de l’article » ; lorsque l’agencier effectue sa traduction d’éléments en langue étrangère, il doit spécifier qu’il s’agit de sa traduction particulière. Dans le cas de propos graves sur une personne, d’une diffamation, les mettre entre guillemets n’empêche pas que cela soit une diffamation. Les guillemets ne sont pas une couverture, les paroles ont été écrites et diffusées.

La concision de la dépêche

L’essentiel de l’événement doit être clair. La capacité d’attention d’un lecteur n’excèderait pas 400 mots. L’essentiel doit tenir dans ces 400 mots, sachant que les clients d’agences de presse n’utilisent pas toute la dépêche. Mais cet essentiel doit avoir son « back-ground » (la remise en contexte éclairante). Un mot bien choisi permet de se passer de plusieurs phrases. Comme il y a risque d’erreur en écrivant court et vite, la relecture de « bureau » est indispensable. Le relecteur cependant ne doit pas être arbitraire (y mettre « son style ») et ne doit rien déformer.

La structure de la dépêche est la suivante :

-le lead  : c’est une entrée en pleine action avec deux ou trois premières phrases contenant le questionnaire de référence qui génère une narration (qui fait quoi où et quand ?), les phrases n’excédant pas 30 mots. On doit tout dire au lecteur dont on imagine l’esprit vierge (vulgarisation) : monsieur X est le président de la République, madame Y est la chancelière allemande.

La mise en contexte évoque une situation, une action qui la modifie et les conséquences logiques qui en découlent. L’ « intérêt humain » est aussi fourni par une restitution « sensorielle » à côté des concepts.

Le lead ne doit pas être interrogatif (réaction du lecteur : « donc il n’en sait rien ») ou négatif (réaction du lecteur : « Cela n’a donc pas de valeur ».

On a affaire à une sorte d’entonnoir : on y fait couler tous les éléments factuels importants pour comprendre la situation, puis après le basique d’accroche, on passe aux différentes perspectives de la situation rendant compte d’un réel complexe (au minimum les questions Pourquoi ? Comment ?). Ce niveau de l’article n’a pas la « chaleur » événementielle mais va vers une conclusion conceptuelle, neutre, objective avec une chute qui est un « marqueur » de mémoire du lecteur.

Le découpage

Quand les agenciers dépendaient de la rapidité du télégraphe, ils morcelaient, découpaient l’information en chronologie de développement. Elle a survécu en partie. Il y a :

-le flash  : l’homme pose le pied sur la lune. Cela pouvait être écrit en style « télégraphique » car la simplicité grammaticale n’entraînait pas de confusion.

-l’alerte : la suite logique du flash ou une information très importante ne nécessitant pas un flash : une tentative d’assassinat du pape, un séisme en Turquie.

-l’urgent / le bref : il complète l’alerte (un ou deux paragraphes) et il doit être suivi rapidement par un bref (100 à 150 mots).

-le lead, pas plus d’une demi-heure après : l’ensemble est repris en 300 à 500 mots. Le développement n’est pas à assumer par le correspondant, l’envoyé spécial. C’est le journaliste de bureau local puis du pays siège de l’agence qui interviennent. Les journalistes de bureau locaux sont les seuls à bien contextualiser l’information, car ils connaissent le pays ou sa zone. Mais la contextualisation doit être prise avec précaution.

-le factuel : c’est un événement « ordinaire » rapporté par le questionnaire de référence, mais le texte doit être vif et motive la lecture.

-le running  : c’est une couverture chronologique d’un événement au fur et à mesure de son développement. Par exemple la signature du traité de paix Israël et OLP (1993). Le running est tombé en désuétude car les agences proposent maintenant du multimédia (texte, photos, vidéos, sons) que les clients postent sur leur site. Le running s’achève par une reprise synthétique de l’ensemble (« mariage princier, épilogue de l’affaire Merah ») sous la forme de l’article type

-le direct  : c’est « la version multimédia du running, qui s’appelle ainsi à l’AFP. L’internaute suit l’événement au fil des heures avec factuel, interviews, « choses vues et anecdotes ». Ce multimédia est hypertextuel. Chaque étape a la mention de l’heure. Les journalistes sont en collectif si l’événement est inattendu ou complexe. Ils envoient leur contribution sur différents formats et supports (téléphone, ordinateur).

Le lead est la synthèse de toutes ces étapes, qui peut aller de 500 à 1000 mots. Quand l’AFP produit plusieurs leads, c’est le dernier qui compte car le plus récent et le plus recoupé depuis le début.

(Ne pas confondre le « lead » introduction ou accroche et le « lead » : article entier)

Censure, autocensure ?

Les agences ont des chartes déontologiques permettant de résister aux pressions, aux sollicitations : refuser les cadeaux, les invitations. Les agences fournissent un budget qui permet l’autonomie au journaliste.

L’équipe ou « pool » : l’agencier peut être amené à céder une partie de sa mission à un cadreur ou un photographe car ensemble la réalité est mieux saisie.

Lorsque les places sont limitées dans le lieu de l’événement, l’esprit anglo-saxon a imposé une rotation des rédactions de différentes agences (notamment pour les procès). Ce qui est recueilli est mis à disposition des confrères.

Lors de guerres dans des sites très dangereux, certains agenciers risquent leur vie, une prise d’otage. Le Sunday Times qui a perdu Marie Colvin en 2012 à Homs refuse de mettre ses journalistes en péril.

Quelles pressions ?

Les gouvernements, les états-majors (même démocratiques) contrôlent leur communication et imposent un point de vue. Des accréditations sont attribuées au compte-goutte pour des interviews, des couvertures encadrées de zones stratégiques. La carte de presse (délivrée par la Commission de la carte d’identité des journalistes) est obligatoire, renouvelable chaque année. La presse sportive a une carte spécialisée, notamment à l’international. Les cadreurs et photographes doivent avoir des « bibs », chasuble ou brassard en plus.

Intoxication

La désinformation par des services de communication est une arme contre la curiosité (à des degrés divers selon les régimes). Cela relève de la propagande. Le journaliste peut y échapper par l’intermédiaire de sources qu’il protège en ne les dévoilant pas selon la Cour européenne des droits de l’homme. La protection de source sert l’intérêt général et la démocratie, notamment en politique ou dans le monde économique.

La réaction est la fourniture d’informations biaisées, voire fausses, démagogiques et promotionnelles. L’internet véhicule beaucoup ce type d’information : mais on ne peut cadenasser le phénomène des alertes citoyennes à propagation horizontale par rapport à l’information encadrée de type pyramidal. Exemple : les affaires « wiki », comme Wikileaks. La propagande ou la désinformation finissent par tomber devant l’Internet.

Mais l’autocensure existe aussi car le journaliste ne peut se couper des milieux influents en se contentant d’information de second ordre sans intérêt pour le lecteur. Les preneurs d’images peuvent jouer de la métonymie, en montrant un visage souffrant au lieu d’une blessure grave, une chose anodine à valeur très symbolique. Mais il est parfois nécessaire de flouter les visages. Parfois la vie privée est atteinte : exemple lointain, d’un chanteur, dans un avion pris par des pirates de l’air, libéré avec une jeune femme proche, manifestement pas son épouse.

Sécurité et protection des données des agences

Dès le début des années 1970, des individus ou des groupes ont essayé de s’en prendre aux données gardées par les agences comme des coffres-forts. La masse des stocks numériques les rend fragiles et il règne un tout sécurité car il y est question de sources. En 2013, le New-York Times et le Wall Street journal ont indiqué des attaques de pirates chinois. Un compte twitter de l’AFP a été forcé non pas pour vol mais insertion d’informations fausses et toxiques pour faire perdre sa crédibilité à l’agence.

Formes particulières où l’agencier peut être sollicité directement par des médias

La chronique audio, télévisuelle exceptionnelles

Comme l’agencier est le seul sur le terrain, une station de radio le sollicite en direct. Le journaliste de plateau radio fait un lancement, accroche qui annonce l’intervention en direct de l’agencier. Son intervention est très brève : le questionnaire de référence, une narration contextuelle. C’est le cas en télévision, quand la chaîne n’a pas de journaliste à elle sur place. L’intervention de l’agencier est « téléphonée » avec la même structure que la précédente.

La photo légendée

C’est parfois le photoreporter qui fournit la légende de la photo en contextualisation, si elle est trop complexe pour un journaliste de bureau.

Avant, pendant, après

Avant l’événement prévu, des Jeux olympiques, des épreuves de ces jeux, des dépêches sont constituées dans les 48 heures en amont. L’angle : l’organisation, la préparation des athlètes. C’est l’avant papier de 400 à 600 mots qui contextualise bien.

Le papier balai est écrit par l’agencier la veille, il rappelle, confirme ce qui est prévu. Le lever de rideau (200 à 300 mots) intervient la veille dans les rédactions.

Pendant l’événement, l’agencier produit une ouverture (introduction factuelle), et le déroulement factuel.

Si un événement est en retard ou ne se déroule pas comme prévu, il y a le papier d’attente qui est une dépêche de secours avec quelques faits intéressants.

L’ « overnighter » est une dépêche écrite de nuit qui fait le lien entre la veille et le lendemain

Après l’événement, c’est de l’écriture-bilan : d’abord par une dépêche fournissant une signification principale de l’événement et une synthèse. Le papier « retour » ou « follow up » cherche à dégager des conséquences plus approfondies et analyse les réactions de plusieurs sources qui ont vécu l’événement.

Les attentes du client de l’agence de presse

Comme il s’agit souvent d’actualité chaude les impératifs suivis par l’agence sont stricts :

Quand il s’agit d’informations prévues (agenda), comme les Jeux olympiques, des affaires judiciaires, des élections politiques : 1) les dépêches doivent être fournies à heures fixes, avec des additifs réguliers porteurs de sens 2) l’agence fournit des dépêches d’éléments imprévus dans cet événement pourtant préparé 3) il faut annuler une dépêche et la remplacer par une autre en cas de force majeure nécessitant explications

L’annulation d’une information doit être rare, justifiée. Elle comporte une explication : complication de l’événement, nouvelle version due à une source qui n’a pas été fiable.

Les erreurs

Quand il y a correction, quelle qu’elle soit, la phrase, le paragraphe concernés sont récrits de manière visible et évidente.

L’embargo de source  : il est est la demande au journaliste par cette source de retenir l’information pour le moment, car elle risque d’être mise en difficulté. Le journaliste honnête, lié à sa source, est respectueux.

Il y a embargo de diffusion. Si jamais le journaliste ne retient pas l’information, la source lui est perdue, elle fournira quelqu’un d’autre, d’une autre agence.

Il y a embargo de publication, quand le média a été averti par l’agencier qu’il faut encore attendre, sinon le risque de tarissement de la source sera catastrophique.

Conclusion :

Les réseaux sociaux viennent concurrencer les professionnels de l’information, dont les agenciers. Par exemple : 2009, la mort de Michael Jackson est annoncée par un « petit site spécialisé dans le show-business, puis relayée par Facebook », qui arrose le monde. Les internautes plus ou moins engagés dans une démarche journalistique veillent et partout dans le monde, sans commune mesure avec le nombre de « bureaux » répartis sur la planète.

De plus, économiquement les agences sont en difficulté : leurs clients, comme les « quotidiens importants » ou les médias numériques s’éloignent. Mais rien ne vaut la valeur informationnelle développée par les agences : elles sont les expertes de la recherche de sources multiples et recoupées, elles ont valeur de « certification ». Il est à supposer qu’elles vont miser sur les réseaux sociaux en intégrant les « veilleurs ».