L’éducation aux médias et à l’information, inscrite dans la loi d’orientation du 8 juillet 2013, constitue un des axes prioritaires de la refondation de l’Ecole et s’inscrit désormais dans la stratégie mise en place par le ministre de l’Education nationale pour « faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique ».
En effet, le déploiement des supports numériques comme moyens généralisés d’accès à l’information et surtout comme instruments d’écriture et de lecture définit l’horizon d’un changement technico-culturel profond qui nous oblige à repenser globalement la notion d’éducation aux médias et qui pose des questions essentielles aux pédagogues face à l’ « inflation informationnelle », à l’explosion et la diversification des pratiques et des usages du numérique.
Les attentats du mois de janvier ont mis en évidence, plus que jamais, l’importance d’appréhender la question du numérique – les usages, les pratiques et les comportements qu’il engendre sur l’Internet et les réseaux sociaux – non simplement comme une question de maîtrise des outils, m ais d’abord et avant tout comme une question d’éducation.
Pour vivre en citoyens libres et responsables dans la société de l’information et de la communication, les jeunes doivent à la fois développer un esprit critique et distancié et être capables de collaborer avec les autres. Décrypter, évaluer et traiter l’information, en comprendre les circuits et l’organisation, s’exprimer et échanger sur les réseaux tout en connaissant et en respectant un certain nombre de droits et de règles liés à la pratique de l’Internet… , autant de compétences essentielles que les enfants doivent développer dès leur plus jeune âge en étant mis en situation de consulter, de produire et de publier eux-mêmes avec les outils numériques.
La concertation nationale sur le numérique pour l’éducation a révélé de fortes attentes vis-à-vis de l’Ecole pour qu’elle accompagne les élèves dans leurs pratiques numériques, qu’elle apprenne les enjeux et l’ensemble des dimensions et des logiques qui régissent ces pratiques (techniques, économiques, culturelles). Les compétences « lire, écrire, compter » restent essentielles dans les objectifs définis pour l’école, mais de plus en plus de citoyens ont conscience que ces compétences sont renouvelées par le numérique qui transforme les méthodes de lecture et d’écriture, en diversifie les supports, les formes et les usages.
Il s’agit de faire en sorte que les médias ne soient pas des instruments de manipulation des esprits mais constituent véritablement à l’enrichissement et à la formation des jeunes, et au développement de leur autonomie.
Le système scolaire, bien sûr, ne part pas de rien. Après que la presse à l’école fut introduite par René Haby dans les années 1970, le « Centre de liaison des moyens d’information », créé par Alain Savary en 1982, a assumé la mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias, ce qui signifie à la fois une lecture critique et distanciée des contenus et une initiation aux langages, aux formes et à la rhétorique médiatiques pour que les élèves possèdent les moyens d’exprimer librement leur opinion, et de produire eux-mêmes de l’information. Mais cet enseignement est resté pendant longtemps « aux frontières » de l’Ecole et il a mis du temps à toucher le cœur du système éducatif. Cela n’a pas empêché que de nombreuses initiatives innovantes se développent sur le terrain. L’éducation aux médias s’est faite toutefois de manière inégale sur le territoire sans véritablement pénétrer les enseignements et surtout sans qu’une stratégie globale soit visiblement mise en place.
L’institution scolaire a progressivement pris conscience de ses enjeux et elle vient de franchir une étape importante. Le nouveau Socle commun intègre désormais cette culture numérique, ainsi que les connaissances et les compétences qu’elle implique sous l’angle de l’éducation à la citoyenneté comme sous l’angle de l’éducation à l’information et à la production de médias par les élèves dans le cadre scolaire.
Un référentiel va être élaboré pour les enseignants : il définira les objectifs généraux de l’éducation aux médias et à l’information et leur déclinaison concrète sous la forme de séquences pédagogiques proposées aux professeurs des différentes disciplines.
Certes, la question dépasse largement l’Ecole et doit être traitée globalement au niveau des politiques nationales (et internationales), en impliquant tous les acteurs concernés, publics et privés (ministère de la Culture, professionnels des médias, parents, partenaires associatifs, etc.) mais c’est bien l’institution scolaire, en tout premier lieu, qui est dispensatrice des compétences et des valeurs qui fondent notre enseignement républicain. Si le professeur n’est pas la seule source du savoir, c’est toujours lui qui doit apprendre aux élèves à structurer l’ensemble proliférant d’informations qui assaillent les esprits sur les réseaux, et leur faire comprendre que la connaissance ne peut pas être « une marchandise ordinaire livrée à la logique industrielle et commerciale » (Stiegler), mais qu’elle doit se construire et se structurer dans un usage bien compris et maîtrisé des supports de transmission du savoir.
Le CLEMI a un rôle essentiel à jouer pour permettre ces évolutions, en élargissant son champ d’action aux problématiques de l’Internet et des réseaux sociaux. Cette brochure « Médias & Information, on apprend ! » est l’illustration du travail accompli pour faire en sorte de répondre plus efficacement aux nouveaux défis et aux ambitions développées dans le cadre de la stratégie numérique du ministère.