Le thème 2017 de la 28e Semaine de la presse et des médias dans l’école est la question : D’où vient l’info ? Les journalistes n’ont pas l’info infuse. Ils doivent la chercher et cette recherche n’est guerre facile car les audiences mondialisées et massifiées sont des ogres affamés malgré leur infobésité... Le risque pour les professionnels des médias est de leur en donner toujours plus, au mépris de l’enquête et du recoupement.
1/LA DIFFICILE RECHERCHE DES SOURCES
D’après Jean-Marie CHARON, sociologue des médias, administrateur du Club de la presse et de la communication de Normandie, membre du COP (Conseil d’orientation et de perfectionnement du Clemi).
Les journalistes ne peuvent pas toujours être sur place et témoins d’un événement à traiter. Alors, comment font-ils ?
Le complément des observateurs sur les lieux de l’événement
Même s’il y a présence sur place de faits-diversiers, de localiers liés au journaliste de rédaction, rien n’exonère le journaliste sérieux de quitter le « desk », de s’appuyer sur des sources complémentaires. Le regard d’un seul individu risque d’être partiel, biaisé par la position qu’il occupe. Il est donc bon de rencontrer des témoins directs tout en détectant chez eux les différences du récit, dans la description, l’explication qu’ils donnent.
Pour les questions de société, le journaliste interroge les" personnels de santé, les élus, les syndicalistes". Sur un théâtre de guerre, il faut – sans mettre sa vie en péril – interroger les belligérants. C’est le cas en Syrie, par exemple : l’armée d’état, l’armée de l’opposition, une armée terroriste mais aussi les civils qui pâtissent de la belligérance du trio.
Oui, mais les témoins : sont-ils fiables ?
Dans la majorité des cas, les médias tirent leurs informations sources de témoins sur place en s’assurant de la fiabilité de leur discours : en « croisant » ces discours. Les réseaux sociaux offrent de nouvelles sources sous forme textuelle, d’images fixes ou vidéos, de récits audios. Par ailleurs, la veille critique et distante sur les flux des réseaux peut identifier des tendances, mais ce ne sont que des tendances le plus souvent.
Agences d’information
Charles Havas inventa la « collecte des faits » quand les journalistes ne pouvaient se rendre au bout du monde. Comment ? En disposant des agents locaux, parfois sous forme de « bureaux ». Ce qui a amené la création d’agences de presse : la française AFP, la britannique Reuters, l’américaine AP. Ces dernières ont des implantations qui envoient aux médias des dépêches, des photos, vidéos, infographies en abonnement.
Les faits augmentés par des spécialistes
L’information ne peut se réduire à la présentation de faits purs. Le journaliste produit des mises en perspective, des décryptages analytiques, des synthèses éclairantes, des commentaires non biaisés. D’où le recours aux spécialistes, « praticiens, experts, chercheurs » qui ont déjà écrit des « livres, rapports, blogs » et non sans s’appuyer également sur les banques de données interrogeables par moteurs de recherche.
2/ UNE CITÉ MAYA QUI N’AVAIT JAMAIS EXISTÉ…
D’après Sébastien ROCHAT, responsable du pôle Studio du Clemi national et ancien journaliste pour le site Arrêt sur image
Une source fracassante et buzzée fait tomber France 2 dans une chausse-trape. Toute une rédaction abusée par William Gadoury, québécois de 15 ans.
Mai 2016. William Gadoury, passionné d’astronomie, découvre l’existence d’une cité maya non encore repérée et fouillée dans la péninsule de Yucatan, Mexique.
William imagine
Le jeune homme a conçu l’hypothèse que les Mayas construisaient leurs cités en fonction des étoiles. Après « l’analyse de 23 constellations », William Gadoury table sur un oubli des archéologues. Cette « découverte » est annoncée par le Journal de Montréal, sans qu’aucun scientifique n’ait été consulté. Le journal publie néanmoins : « Les experts et scientifiques sont unanimes. La découverte de William Gadoury est exceptionnelle. » Le premier jour la cité est au Bélise. Le deuxième jour, le journal parle du Mexique…
L’information est néanmoins relayée en France par 20minutes.fr puis par le très sérieux journal de 20 heures de France 2. Encore mieux, on y recoupe l’info : « D’autres observations spatiales de l’agence canadienne confirment celles de l’adolescent » génial.
Et si William voulait aller au Brésil à peu de frais ?
Creusons : la seule source proche de l’adolescent est le Journal de Montréal. Aucun autre média ne se lance dans l’aventure. De plus, un détail intrigue : « à la fin de l’article du Journal de Montréal, on trouve un appel au don. Gadoury cherche en effet à se faire financer un voyage au Brésil pour l’Expo-science internationale »…
Les spécialistes mettent l’affaire au clair
Dans cette information, on ne note qu’une seule source, aucune expertise pour la corroborer, une motivation suspecte. Wired, Arrêt sur image, Sciences & Avenir ont consulté des archéologues : c’est bidon. Les experts parlent : « Cette histoire de planification de l’ensemble des cités en fonction des constellations est une aberration » (Marie-Charlotte Arnauld, CNRS). Ou : « Les villes sont des fondations politiques, socio-économiques, circonstancielles. Il n’y a pas de grand dessein maya ». Et : « Obtenir des images satellitaires de la NASA ne veut pas dire qu’on a la caution scientifique de la NASA ».