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Publié : 17 novembre 2017

Colloques & Rencontres : Éducation aux médias à l’heure des réseaux sociaux

Sous la coordination de Laurence Corroy-Labardens, Francis Barbey et Alain Kiyindou, L’Harmattan, Paris, 2015

Sommaire

- I-Panorama historique de l’éducation aux médias (laurence corroy, Sorbonne nouvelle, Paris 3)
- II- Une enquête sur les usages des TIC pour penser l’éducation aux médias ( Fabien Liénard et Sami Zlitni – Université du Havre (CITRAI IDEES – UMR 6228) )
- III- Les risques médiatiques, les industries culturelles et l’éducation aux médias à l’école (Sophie Jehel, Maître de conférences, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis CEMTI EA 3388)

-I- PANORAMA HISTORIQUE DE L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS (LAURENCE CORROY, SORBONNE NOUVELLE, PARIS 3)

Introduction

Sur les préconisations internationales, comme celles de l’UNESCO, du Conseil de l’Europe, les recherches en sciences de l’information et de la communication, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, en matière d’éducation aux médias, ont servi de socle à un champ théorique. Les travaux ont porté sur les jeunes et les médias avec pour « déterminant consensuel » l’esprit critique. Quatre approches ont marqué, « incurvant » non seulement la définition mais le champ d’action de l’EAM.

Tout d’abord l’ « approche protectionniste... »

C’est l’ « innoculative paradigme » ou « approche vaccinatoire », en français. Elle repose sur l’idée que les jeunes sont passifs face aux médias, voire « victimes », à plus forte raison « les jeunes publics ». Développer leur esprit critique revient à leur demander de se méfier des médias, à « limiter au maximum les temps d’exposition à leur influence ». Lasswell, en 1927, parle de « drogue ». Il s’agit d’une « approche mécaniste de l’action des médias […] linéaire, unilatérale, héritière des modèles behavioristes en psychologie expérimentale ». C’est qu’après la Première Guerre mondiale et sa propagande était née une suspicion contre les journalistes.

Dès les années 1940, la théorie des effets directs est remise en cause, on parle d’effets limités, on relativise la nocivité informationnelle. Lazarsfeld envisage une influence limitée, indirecte, en pointant du doigt les seuls « leaders d’opinion ». De toute façon, les lecteurs de journaux achètent ceux dont la ligne éditoriale leur convient. L’esprit critique est défini comme « la capacité de ne pas se laisser manipuler par les visées persuasives des médias et des déformations de la réalité qu’ils présentent. »

En Europe, l’école de Francfort (Adorno, Horkheimer, Benjamin, Marcuse, Habermas) lance une théorie critique de type marxiste. Les médias exercent une « domination », « un contrôle social ». Ils sont sous la coupe du pouvoir et de la culture dominante. Les « mises en récit du monde » des ploutocrates sont déconstruites. On arrive à une éducation aux médias déclinant « un arsenal défensif », avec une école sanctuaire qui régule les « influences pernicieuses ». Aujourd’hui encore, des enseignants estiment que les médias n’ont pas droit de cité à l’école, car ils visent au « déclin culturel ».

Le rôle des adultes vis-à-vis des jeunes est de marquer un manque de repères chez eux et une certaine forme de protection, notamment chez les chercheurs, les parents, les enseignants, même si le danger que représentent les médias est relativisé. Leur nocivité, la malléabilité des jeunes sont plutôt des fantasmes et les enfants sont « présentés à la fois vulnérables et dangereux, sous l’emprise de pulsions violentes ».

Pour Buckingham (2010), « l’excès de stimulation de sensualité et de sensation n’a cessé de susciter des peurs. Quelles soient sociales ou psychologiques, ces peurs provoquées par les médias reflètent […] la crainte d’une perte de contrôle. » Il n’en reste pas moins que cette théorie attire l’attention sur « la profusion de messages transmédiatiques qui prônent des valeurs […] contradictoires avec celles de l’école ».

Le fonctionnalisme américain, des années 1950, propose le « uses and gratifications » centré sur l’usager des médias qui aurait la capacité d’adopter une forme de « grille d’analyse » discriminante. On choisit ce qu’on aime avec une certaine distance (pour les adultes). La gratification permet d’imaginer une utilisation didactique dans la recherche.

En Afrique, comme en Côte d’Ivoire, durant les années 1960 et 1970 on conçoit « une éducation télévisuelle » avec un évitement progressif de la confusion entre éducation par les médias et aux médias. Montrer des films d’archives dans un cours d’histoire est une éducation avec le média télévisuel mais pas une réflexion sur le fonctionnement télévisuel, qui est l’éducation aux médias. Le média pour lui-même.

L’approche critique

Une rupture épistémologique s’amorce avec l’analyse des contenus télévisuels, par exemple, en « bons » ou « mauvais », puis dans une perspective sémiologique. Deviennent « prérequis » dans l’esprit critique, « la signification des messages, leurs cadres interprétatifs », dans les années 1970 et 1980, en Europe et en Amérique du Nord.

Le symposium de Grünwald (1982) estime que les médias sont omniprésents et qu’ils sont à étudier pour eux-mêmes. Dans les années 1990, les Cultural studies accentuent « les contextes de production » des messages, la méfiance vis-à-vis des visions construites du monde voulues comme naturelles. Les industries culturelles ne sont pas « vilipendées » car elles sont bien mises en « relation avec les pratiques sociales et culturelles des publics ».

On en arrive à un usager des médias qui « se détermine par son genre, son sexe, ses origines sociales, ethniques, culturelles », guère plus le réceptacle passif, mais actif car il « concourt à la production de sens des messages ». Buckingham (2010) met en garde contre ce schéma optimiste, car voir le jeune public « connaisseur de média », avec une belle complexité intérieure conduit « à une perspective ‘’centrée sur l’enfant’’ quelque peu simpliste. »

L’approche politique

Dès les années 1990, l’éducation aux médias veut développer la citoyenneté en démocratie. Un esprit critique de jeune, aidé par son enseignant, suppose une vision des contraintes du métier de journaliste, de la « circularité de l’information », des « effets du traitement de l’actualité ».

Jacques Gonnet crée le CLEMI, en 1983, le dirige pendant vingt ans, en défendant la formation des enseignants afin de favoriser « l’utilisation pluraliste des moyens d’information » et « une meilleure compréhension du monde » dans lequel il vit par l’enfant. Gonnet propose « un projet de transmission de valeurs, qui intègre les médias à la fois comme emblème de la démocratie et comme savoir fondamental ». Le média est un outil dont on apprend l’usage « parce que dans une société démocratique qui met l’accent sur la pluralité des points de vue, les médias sont au centre des pratiques démocratiques » (2001).

L’élève va être confronté à une « exploration créative des médias » dont il intègre « les contraintes de production, en réalisant des émissions de radio ou de télévision en classe ». Les chercheurs constatent l’importance du politique, comme nécessairement pluriel, démocrate, avec des débats vivaces, dans la perception des médias. Le « modèle républicain de formation de l’opinion » privilégie « analyse des contenus, des représentations médiatiques ainsi que l’économie des médias ».

C’est une vision européenne ou occidentale qui n’est pas facile à mettre en œuvre en Afrique, par exemple, où il faut parler d’ « initiation aux médias » dans la mesure ou la relation avec eux relève du groupe, de la communauté et non de l’individu.

À l’orée du XXIe siècle, l’éducation aux médias s’entend comme une littératie, mise en œuvre par l’UNESCO, c’est-à-dire une alphabétisation du type apprentissage de la lecture-écriture spécifique des médias à l’heure du numérique. Comment on doit les lire, comment on doit les écrire quand on s’en empare dans les classes avec les outils informatiques.

L’éducation aux médias : vers une approche de translittératie ?

Littératie, translittératie… La translittératie est le transfert des capacités de lecture, d’écriture, de comptage traditionnels sur les supports numériques, la translittératie fait donc de l’éducation aux médias une pratique de transfert des compétences d’écriture de journal, d’émission de radio vers le Net. Depuis l’arrivée du Web 2.0 la réflexion sur les littératies passe au niveau international selon Laurence Corroy.

Pour De Smedt (2012), la littératie est le fait d’être capable « d’évoluer de façon critique et créative, autonome et socialisée, dans l’environnement contemporain ». La compétence prend une autre nuance : « combinaisons singulières de savoir-faire manifestant une adaptation originale et non stéréotypée à des situations inédites ».

Il ne suffit plus de faire montre d’une distance critique vis-à-vis des médias, mais d’une capacité d’interaction avec le média envisagé et même d’une production équivalente. La littératie numérique « comprend des habiletés techniques cognitives » mais pas seulement, elle suppose une production avec les outils nouveaux. On est en multimodal, écrit, audio, audiovisuel (navigation transmédias), dans une capacité à « diversifier ses sources d’informations et les différents médias » et le « réseautage » qui consiste à aller chercher une information et « la faire connaître à son réseau ».

Il ne faut pas oublier que l’on constitue soi-même un média, un contenu médiatique, avec la mise en scène de soi sur le réseau et ses navigations avec les moteurs de recherche faisant traces. Traces volontaires ou non ? Mise en place mais non mise en danger de son e-représentation et e-réputation.

On est un internaute qui s’est emparé des outils et porteur d’un « empowerment » ou prise de contrôle, exercice de pouvoir à son niveau. L’éducation aux médias ne consiste pas à voir le jeune comme possédant ce pouvoir a priori mais comme un accompagnement, un tutorat spécifiques qui l’y amènent. Selon William A. Ninacs, « devenir autonome, c’est prendre le risque d’agir publiquement ».

On n’est plus dans l’approche protectionniste, avec la recherche de l’ « air-bag » contre le danger vague et ambiant, on n’est plus agi contre, on agit pour soi et les autres, dans une appropriation intelligente du réseau. Le jeune étant amené à grandir et à s’insérer socialement en responsabilité, l’adulte doit rester en état de veille et « s’adapter aux mutations professionnelles et sociales ». Il est invité à produire des « énoncés médiatiques de plus en plus originaux » et riches.

-II- UNE ENQUÊTE SUR LES USAGES DES TIC POUR PENSER L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS ( Fabien Liénard et Sami Zlitni – Université du Havre (CITRAI IDEES – UMR 6228) )

Combien d’heures, chaque jour, les usagers utilisent-ils les TIC ? Comment « se les représentent-ils ? » Quels est leur rapport avec ces « objets techniques », quelles pratiques en découlent-elles ? Comment se former, s’autoformer, s’éduquer à ces médias ? L’enquête auprès des étudiants concernés date de 2012 (questionnaires et entretiens « semi-directifs », et son but est un état des lieux.

Les internautes étudiants sont connectés soit en temps synchrone soit en temps asynchrone, mais sont connectés longtemps. En toute logique, l’usage des TIC produit des « pratiques particulières » en même temps qu’une « autonomisation » de celles-ci. On note un « surusage » approfondissant les « pratiques communicationnelles » et les « pratiques scripturales ».

Comment continuer à « s’éduquer » quand les technologies ne cessent d’évoluer vers plus de « convergence et de complémentarité » ? L’enquête au Havre relève de la « microlinguistique » et se trouve comparée à des « résultats d’enquêtes macro » (CREDOC 2012, 2013). Les chercheurs souhaitent mettre en lumière et « comprendre des inégalités numériques aujourd’hui ». Il faut une appropriation, pas évidente : « la capacité des individus à s’approprier pleinement les TIC est très inégalement répartie et dépend, grandement, non seulement d’un capital économique mais aussi d’un capital culturel et cognitif ». La pratique numérique recouvre, en fait, des « enjeux sociaux, sociétaux et économiques essentiels ».

Le cadre théorique, quel est-il ? En se référant à Éduscol, l’Éducation aux médias consiste à « s’y orienter […] utiliser de manière pertinente, critique et réfléchie ces grands supports de diffusion et les contenus qu’ils véhiculent ». Le CLEMI a en charge, depuis 1983, « l’apprentissage par les élèves d’une pratique citoyenne des médias […] imprimés, audiovisuels ou électroniques » et l’accent est mis sur la technologie pour « faire entrer l’école dans l’ère numérique ».

Selon le CREDOC, 83 % des 12 ans et plus disposent d’un ordinateur à domicile, 81% sont connectés à Internet et 81% détiennent un téléphone portable. Les « tablettes tactiles et les smartphones » ne cessent d’augmenter respectivement de 17% et 39% en 2013. La possession de tels matériels, pour une connexion au Net, modifie la manière « d’acquérir les savoirs à l’école en général » et fait « émerger de nouveaux enjeux à l’université » par voie de conséquence.

Les « applications web », le « courrier électronique » ou encore les « environnements d’apprentissage en ligne » favorisent la communication avec les enseignants. Pour l’étudiant, c’est un accès à une « information diversifiée et souvent gratuite à tout moment et n’importe où ».

La plupart des recherches sur les TIC soulignent le fait qu’âge, sexe et milieu social sont déterminants dans les usages et pratiques numériques, alors que la « majorité des acteurs universitaires » considère les étudiants comme un « public homogène et assez motivé pour tirer le meilleur des TIC proposées ».

Cependant, seuls les formateurs des étudiants sur le terrain connaissent la réalité et estiment que les pratiques et les usages « produits par les étudiants restent méconnus ». Les recherches « en sciences humaines et sociales » relativement aux TIC, s’intéressent à leur dimension ludique et/ou communicationnelle (jeux en ligne, chat, réseaux sociaux) mais cela semble des « savoirs non formalisés ». Il existerait un « curriculum caché ».

Il existerait un « déjà-là », « l’existence chez les plus jeunes et les jeunes adultes en formation, des ‘’ressources’’ ignorées par l’institution scolaire qu’elle gagnerait pourtant à prendre en compte. Les jeunes « savent des choses que [l’institution] ignore qu’ils savent et qu’eux-mêmes ne savent pas toujours qu’ils savent ».

Fréquence et variété des usages des TIC permettent de « tendre vers une culture numérique structurée » (Le Crosnier 2013). Cela est plus vrai quand il s’agit d’étudiants en formation professionnelle, car il faut « appréhender une multitude de paramètres ayant un impact sur la qualité de cette formation. »

L’enquête évoquée a comme « objectifs scientifiques » de confronter, aux niveaux microsociologiques et microsociolinguitiques » des données « macro », en vérifiant que les étudiants du Havre sont un échantillon représentatif à comparer à un niveau national (équipement et pratiques des jeunes). Des données chiffrées quantitatives sont croisées avec des données qualitatives. Ce croisement peut générer une « triangulation » (Miles et Hubermann, 2003) :

-sources  : « recueil » par de nombreux chercheurs « à différentes périodes et à des endroits différents »
-méthodes : la « collecte » nécessite le recours à « différents instruments de mesure ou de cueillette »
-chercheurs et théories : exploitation par différents « cadres théoriques, épistémologiques », portant des « regards différents sur les résultats »

L’étude procède par allers-retours de données quantitatives en passant par les hypothèses jusqu’aux données qualitatives pour établir une bonne méthode. Il ne s’agit pas de valider un type de données comparativement à une autre. L’objectif et de décrire et de comprendre la réalité.

Le questionnaire fourni aux étudiants « a été construit sous Sphinx » et comportait 9 rubriques : « équipement en TIC, usages du courriel, usages du blog, usages du forum, usages des réseaux sociaux, usage de la discussion instantanée, pratiques d’écriture et État-civil ».

Des entretiens « semi-directifs » ont eu lieu avec les étudiants acceptant de fournir leurs coordonnées, afin de « faire discourir les informateurs sur leurs propres réponses ». Le « métadiscours » tenu est analysé sous Alceste. Manquait un dernier niveau : un recueil du corpus composé d’écrits électroniques : SMS, courriels, extraits de blog, de forums, impression écran de pages Facebook. Les analyses sémiolinguistiques et sociolinguistiques mises en œuvre du corpus permettent de « valider l’ensemble du processus discursif de l’informateur ».

Quels sont les résultats ? Le taux d’équipement des étudiants havrais rejoint les « données brutes macrosociologiques nationales » : 86 % d’ordinateurs portables, 89% de téléphones mobiles (France : 92%, source Arcep). La connexion à l’Internet est quotidienne, 56% d’entre eux ; 56% passent entre une et trois heures de connexion.

Un quart des étudiants consacre plus de trois heures à « surfer ». Comparativement à la référence macro, il y a une hausse. Le SMS est important car une pratique scripturale particulière : moins de 1% des étudiants envoient moins de 100 SMS par mois quand 720 jeunes en envoient 200, soient 7 SMS par jour. SMS et blog sont les principaux modes communicationnels utilisés, le blog correspondant à l’adolescence, les étudiants fréquentant plutôt les réseaux.

Les étudiants font de moins en moins de différence entre les TIC, les usages « migrant vers plus de mobilité », 60% considèrent écrire de la même manière avec un ordinateur ou un téléphone mobile, notamment le smartphone.

On assiste, semble-t-il « à une redéfinition et même à une émergence de nouveaux ‘’rapports à’’ : « rapport au travail, aux tâches cognitives, rapport à l’autre, aux autres et donc à soi, à sa vie privée que l’on expose au ‘’public’’), nouveau rapport à l’objet/aux TIC, à la lecture/écriture etc. »

Observation : les courriels. Une « grande majorité est dépourvue d’ouverture et/ou de clôture, agrémentée de variations lexicales et grammaticales (pour ne pas dire orthographe et construction phrastique) […] au point de faire dire aux destinataires (enseignants qui les reçoivent) que les jeunes de savent plus écrire »…

C’est dû à la « brièveté, l’immédiateté inhérente à la communication électronique ». Cela touche les courriels mais aussi blogs et réseaux sociaux. Ces usagers mobilisent « dans un cadre une compétence ignorée (communication minimaliste), un savoir caché que l’école […] ne pourra que difficilement valider… »

-III- LES RISQUES MÉDIATIQUES, LES INDUSTRIES CULTURELLES ET L’ÉDUCATION AUX MÉDIAS A L’ÉCOLE
(Sophie Jehel, Maître de conférences, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis CEMTI EA 3388)

La problématique des risques médiatiques s’est imposée à l’école suite à la surexposition des jeunes sur les plateformes du web et à un choix de politique économique privilégiant une faible régulation du web.

Les risques encourus par les jeunes sur ces plateformes sont inscrits dans les stratégies industrielles, incitant à l’exposition de la vie privée, à l’individualisation des pratiques, à la connexion permanente, à l’instantanéité. Ces risques redoublent les inégalités socioculturelles. Quel rôle social l’école a-t-elle à jouer dans les cadres de politiques publiques ?

En France, la question des risques médiatiques est longtemps « restée confinée à des espaces de régulations » confiés à des « instances spécialisées dans la protection des mineurs, Commission de classification des films, Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, Conseil supérieur de l’audiovisuel »…

Des débats s’y déroulent, entre professionnels des domaines concernés, mais dans « l’entre-soi », avec quelle efficacité ? La généralisation de l’Internet, le développement du web participatif, les pays de l’Union européenne se sont engagés « dans une triple voie » : une politique de déréglementation de la circulation des contenus médiatiques, l’encouragement à l’autorégulation des opérateurs économiques, l’incitation à des politiques publiques d’Éducation aux médias. Tout cela est-il compatible ?

C’est à l’Éducation qu’on confie les risques médiatiques. Elle n’est pas « envisagée comme une technique pédagogique nouvelle, elle ne peut plus se contenter de faire intervenir des professionnels journalistes dans les enceintes scolaires pour expliquer la fabrique de l’information, conception privilégiée par le CLEMI. Elle est chargée de renforcer la capacité des jeunes à faire face aux risques médiatiques accrus par leur circulation sur le web [Le CLEMI insiste nettement sur les risques de ces publications, du type La Famille Tout-Écran, en relation avec Éduscol et d’autres partenaires…]

Selon les auteurs de l’article, la conception utilitariste a « peu de chance de se mettre en place dans le cadre de l’école française », car la loi de refondation de l’école de 2013 instituerait l’Éducation aux médias et à l’information (EMI) comme un moyen de développer l’esprit critique des jeunes citoyens face aux médias. La solution ? Assurer une « compréhension élargie des risques reposant sur l’analyse du fonctionnement des industries culturelles. »

L’approche théorique de « soubassement de cette analyse » est triple :

1/ Une « approche socioéconomique » qui situe l’internaute et ses activités en ligne par rapport aux « stratégies industrielles des principaux groupes médiatiques fournisseurs des plateformes » sur lesquelles se retrouvent les jeunes (Rebillard, 2007 et Bouquillon, 2010).

2/ Une « approche par la socialisation » qui considère la relation des jeunes aux médias comme « objet de médiations sociales » de la part des parents, des pouvoirs publics, des pairs et des médias eux-mêmes (Jouët, 1997)

3/ Une approche des risques dans la perspective ouverte par l’hypothèse d’un « processus réversible de civilisation des mœurs (Elis, 2000)

Dans ce cas, les « jeunes »sont définis comme « la population âgée de moins de 18 ans »

Production sociale de risques au sein de l’industrie médiatique

L’approche socioéconomique permet de « renverser des perspectives » de risques, de les considérer comme des « épiphénomènes plus ou moins dommageables », mais liés au fonctionnement même des industries médiatiques. Les pratiques des jeunes sur l’Internet sont : « volontaires, extensives et hédonistes », tournées vers le « divertissement et la consommation d’images ». Les jeunes sont précoces sur l’Internet ; les 12-17 ans sont parmi les mieux équipés et connectés. La « présence d’un enfant dans un foyer » est corrélée à un « équipement multiple et récent ». Les jeunes passent beaucoup de temps en ligne et reconnaissent eux-mêmes (la moitié) l’être trop.

Des activités liées aux stratégies des plateformes dominantes

Les jeunes concentrent leurs activités sur quelques sites géants : Google, Wikipédia, et Facebook, le téléchargement sur Youtube, le suivi de l’actualité sur Google actualités, ou Yahoo, les chats sur Skype. Inscrits sur les réseaux sociaux, ils se tournent vers Facebook, Twitter, Instagram. Ces géants numériques établissent entre eux des dépendances ou liens capitalistiques ou de concurrence rendant chaque plateforme plus puissante. Youtube est filiale de Google, Instagram de Facebook, Skype de Microsoft (dont les applications Hotmail, Outlook). Wikimédia apparaît parmi les premiers choix offerts par Google, et Facebook et Wikimédia ont passé des accords de partenariat.

Ces opérateurs peu philanthropes visent à une exposition de la vie privée, parfois de l’intimité, l’ « individuation des consommations » via les « ordiphones », le tout dans une atmosphère de mimétisme et de buzz, « transformant l’internaute en nœud de réseau ».

Le financement vient de la publicité et des listings de données personnelles monétisables, les « marchés multiversants », avec valorisation boursière en « l’absence de modèle économique stable ». Tout ce qui concerne l’activité photographique (« Flickr, Tumblr filiales de Yahoo »), Snapchat relève de l’instant vécu sur les téléphones. Les géants comptent sur la photo pour des rentrées d’argent : Facebook en a retiré 53% de recettes publicitaires, en 2013, très loin derrière Google.

Ces plateformes « favorisent l’expression narcissique de soi » pour répondre aux « exigences de la société des individus » (Elias), non sans un formatage, contradictoire. On se dévoile, on s’exhibe, mais selon des schémas inconscients.

Ce sont les risques, pour les jeunes, sur ces plateformes « à faible régulation ». Les jeunes ne sont pas sans dire, toutefois, qu’ils rencontrent des contenus qui les choquent, « à un haut niveau », en France, cinq fois plus qu’en Allemagne. S’ils sont choqués, pourquoi y vont-ils de leur dévoilement ? Ces risques sont les rires ou le harcèlement, en ligne et hors ligne, ce qui est terrible, car l’imaginaire de l’Internet se mêle à la réalité dans un mélange cruel et déconstructeur.

L’école, une des médiations sociales chargées de contenir les risques sociaux

Sans oublier « le rôle des pairs », la relation des jeunes à l’Internet est d’abord construite dans le cadre de la médiation parentale (Jehel, 2011). L’Etat et son école jouent un rôle important. Ce dernier établit des limites ou une régulation à l’industrie telle qu’on l’a vue. L’école recommande des usages d’écran, dans les recherches sur l’Internet, c’est notamment l’une des missions des professeurs documentalistes. Les médias coopératifs (classification des programmes, boutons de signalement de contenus illégaux) sont aussi dans la médiation sociale.

L’école : un rôle de civilisation des mœurs

Le rôle de l’école s’inscrit dans un rôle civilisateur. A la fin du 19e siècle, la IIIe République souhaite donner « une instruction minimale, son caractère obligatoire, et gratuit permettant de concourir à l’unification des esprits » (Prost, 1992). En contexte républicain, la dimension morale de l’école est évidente : pensons à l’EMC. Au 20e siècle, l’UNESCO a lutté pour « ancrer l’école dans une démarche de pacification, de lutte contre les discriminations raciales ou genrées à l’échelle mondiale. »

Y compris et surtout pour les plus modestes, elle « participe du dépassement de la violence agie qui est un ressort de la civilisation ». Contenir l’agressivité est à la fois politique et psychique. Les individus intègrent des « autocontraintes » articulées au travail de « monopolisation de la violence par l’État » (Weber) : « de nos jours, la cruauté, le plaisir que procure l’anéantissement et la souffrance d’autrui, le sentiment de satisfaction que nous procure notre supériorité physique sont soumis à un contrôle social sévère ».

Rôle ambivalent des médias dans le processus de civilisation

Du fait d’une « précocité de l’introduction des médias dans la vie des enfants », l’école ne peut être considérée comme seule responsable de lutte contre la violence, « sans que les médias le soient aussi ».

L’exposition de mineurs « à des contenus ou à des comportements non régulés » est une menace pour la civilisation. Les opérateurs médiatiques en sont conscients puisqu’ils inscrivent pour la protection des mineurs une nécessité de RSE, « responsabilité sociale de l’entreprise ».

En tant que contenu, le développement du sport médiatisé serait une canalisation de la violence. Elias et Dunning évoquent la chasse au renard, dans l’Angleterre du 19e siècle, en parallèle du parlementarisme, concevant l’affrontement politique sans usage de la force physique. Le sport canalise la violence et oriente vers l’établissement de règles de santé (antidopage).

La fausse piste techniciste

Les risques médiatiques sont abordés d’un point de vue technique ou juridique : « à chaque risque, une mesure de prévention ». Pour que les enfants ne fournissent pas leurs données personnelles, ils doivent utiliser des pseudonymes ; les règles intégrées, les enfants sont alors tout à fait responsabilisés.

L’Académie des sciences va loin, puisqu’elle suggère l’apprentissage de l’autorégulation par l’apprentissage du fonctionnement du cerveau, dès l’école primaire. L’école ne peut être, comme cela, un service après-vente des industries plus ou moins dangereuses.

Celles-ci ne cessent d’évoluer et accentuent l’exposition de la vie privée, l’école techniciste courrait après elles, sans fin. Pour gagner du sens, les enseignants investissent dans la durée avec des notions et des compréhensions pérennes.

Construction, à l’école, d’une compréhension des industries médiatiques
Les chercheurs en éducation aux médias assurent, depuis 30 ans, une « approche positive », qui ne met pas la notion de risque au sommet.

Le CLEMI promeut la découverte des médias en tant qu’ « univers de professionnels de la presse et autres supports », « en favorisant des pratiques d’expression ». C’est une approche en phase avec l’éducation à la citoyenneté. Pour résussir l’introduction de l’apprentissage des risques, les enseignants doivent être formés à la psychologie, aux aspects juridiques et économiques.

Sous la forme d’une appropriation, d’une analyse, sur le temps périscolaire, du fonctionnement médiatique hégémonique des industries fréquentées par les jeunes. Analyse du financement fondé sur la publicité, associée étroitement au développement des données personnelles, les annonceurs étant en quête de clients. Analyse de l’inclusion d’un système privé dans le système public, en situant l’exposition de la vie privée comme élément du capitalisme néo-libéral et non comme un petit problème de confidentialité technique. Tout pousse à se dévoiler, à se mettre en scène par la défense de l’individualisme.

Ces problématiques correspondent aux valeurs émancipatrices dont les enseignants se veulent passeurs et que les professeurs documentalistes investissent dans leurs approches avec les élèves.

La réponse technique et individualiste n’est pas efficace vis-à-vis de l’évolution très rapide du numérique, il faut en passer également par une approche critique de contenus liés intrinsèquement aux supports en mutation. C’est une interrogation et une distance systémiques qu’il faut mettre en œuvre.

-III- MEDIAS ET EDUCATION A LA NOUVELLE CITOYENNETE : EN ENJEU ETHIQUE SOUTENU PAR l’INTERNET
(Marie-Thérèse Yah Kabran, université Félix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire)

Dans un contexte mondialisé, « marqué par un rapprochement des personnes », les médias jouent un rôle d’accélérateurs des échanges. L’éducation à la citoyenneté « trouve sa justification » dans ce contexte. L’éducation aux médias, observatrice de ceux-ci, voit « les frontières s’élargir ». La contraction de l’espace et du temps modifie la citoyenneté.

Elle ne relève plus seulement du juridique mais « se situe au cœur de multiples appartenances ». L’analyse va s’appuyer, plus loin, sur des exemples de personnalités incarnant une figure de nouvelle citoyenneté et dont les actions épousent la cause commune de l’humanité ». La veille vis-à-vis des médias permet « de consolider un monde d’ouverture, de partage et de dialogue ».

Réfléchir à la nouvelle citoyenneté en relation avec les médias implique la prise en compte de « certains paramètres » en mutation dans les sociétés actuelles. Nous sommes en période de conjoncture historique instable posant problème dans ce qui est le fonctionnement des médias.

Les médias peuvent-ils faire « émerger une nouvelle citoyenneté » en dépassant le « cadre strict de la nationalité » ? La citoyenneté remise en cause est celle issue du modèle de tradition libérale à simple fondement juridique. La mondialisation de l’information prise « dans la tension entre la liberté d’expression et l’ « affirmation des droits fondamentaux » évacue l’éthique à l’horizon. Il s’agit « d’analyser et d’identifier les changements liés au processus de mondialisation », instaurant un nouvel ordre de la « conscience citoyenne »

Nouvelle citoyenneté : sens et implications

La mondialisation médiatique contracte l’espace : « espace de vie, espace régional, territorial, économique, socioculturel, espace virtuel ». L’espace est recomposé selon la notion de « mobilité ». C’est le cas des « canaux structurés pour l’échange » des informations, et l’arsenal développé des canaux sur une « multiplicité de supports ».

Quelle évolution de la citoyenneté ?

La citoyenneté est issue de la « civitas » latine, supposant un « ensemble de privilèges liés à la jouissance de la loi ». Le sens précis dénote politique et juridique et renvoie à la vision occidentale moderne qui en fait un « attribut juridique », à vocation universelle : jouir de privilèges mais en adhérant à « des règles et finalités en vue du bien commun ».

Le premier critère est l’appartenance à un État de droits et d’obligations. Il faut inculquer au citoyen les bases de la vie en communauté pour faire de lui un « être responsable » Albert Tchevodjère pense à un « passeport d’une citoyenneté universelle » destiné à promouvoir un « monde de mobilité ».

Le combat social ne se limite plus à une seule société, dans un seul État : « [il] vient à prendre la conscience [ qu’] une injustice lointaine devient capable d’arracher l’homme à sa propre sécurité, quand devient intolérable le fait de penser à la souffrance de ceux-là mêmes que jamais nous ne rencontrerons ». Les média s citoyens faisant échos des injustices lointaines font acquérir à l’homme « une nouvelle stature ».

Albert Tchevodjère, Africain, a évoqué le passeport universel à l’UNESCO et il est en lien avec des associations caritatives comme d’Emmaüs. Le mouvent de l’abbé Pierre veut « rétablir la vérité sur les migrations, condition du développement [pour] lutter contre les discriminations […] la peur de l’autre ».

José Bové, est aussi une personnalité « interrogée » par cette réflexion comme Tchevodjère et l’abbé Pierre. Il est contre les OGM, il lutte contre la « malbouffe », il s’associe en 1995 avec Green Peace contre les essais nucléaires à Mururoa, Tahiti. Il s’en prend également à un restaurant de restauration rapide, qu’il « démonte », les médias diront qu’il le « saccage ».

Mais l’Internet et son réseau interviennent pour venir en aide à José Bové en payant sa caution, ce qui lui vaut la liberté conditionnelle. Par rapport aux médias traditionnels, l’Internet est devenu « celui qui permet le plus large éventail de possibilités […] en une extraordinaire augmentation des performances de la communication ».

Analyse de faits

L’affaire du Probokoala. De quoi s’agit-il ? D’un gros navire battant pavillon panaméen, affrété par une multinationale, pour le transport de déchets toxiques, à débarquer en Côte d’ivoire. Certains des produits transportés ont des effets dangereux sur le système nerveux pouvant aller du coma à la mort. Total : 924 hospitalisations, 15 décès en 2007.

L’événement autorise trois niveaux de lecture : 1/ La toxicité des produits de fait pas de doute, elle est fondée sur des sources médicales précises 2/La société affrétant le bateau était au courant de cette toxicité 3/ Au plan international, il y a eu violation flagrante de la convention de Bâle, sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets. La circulation de l’information via Internet a permis que le fait soit connu.

Le printemps arabe

Le printemps arabe « ramène à des mouvements de contestations populaires, dans plusieurs pays, à partir de décembre 2010 ». Ces mouvements reposant « sur l’alternance au pouvoir, l’égale répartition des richesses » ont été amplifiés par l’évolution technologique liée à l’Internet. Par les médias dits sociaux, « les jeunes connectés dans différents pays ont coordonné la révolution ».

Les médias technologiques, récents, « contribuent au changement d’attitude et de mentalités et deviennent par là un vecteur important. » Ils sensibilisent, invitent à « épouser la cause » du scandale ivoirien », à marquer de l’intérêt et du soutien au révolutionnaires du téléphone, à clarifier les agissements et la situation de José Bové, lequel s’explique :

« Des chaînes de télévision comme France 3 ont vu un saccage de bien privés et d’usage public de ces biens, à propos du restaurant de Millau ». José Bové précise : « Il y a eu une boulette des médias, notamment du journaliste qui a rédigé la dépêche de l’AFP.

Les journalistes fonctionnent souvent avec une sorte d’écriture automatique. A partir où il y avait eu ‘’destruction’’, ils l’ont transformé en saccage, histoire de donner de l’importance à ce geste. Alors que j’avais demandé aux manifestants de démonter proprement : d’ailleurs à la télé, on me voit dire ça. Mais tous les médias ont repris la dépêche de l’AFP […] Le journaliste de l’AFP, on le connaît bien et on est en très bonnes relations avec lui. Je sais qu’il ne pensait pas à mal ».

L’enjeu éthique

L’enjeu éthique d’une éducation à la nouvelle citoyenneté par les médias s’apprécie mieux, « une fois portées à la lumière les dérives ». Les réseaux sociaux peuvent être vecteurs d’une contre-information mise en doute ou interrogée.

Certaines dérives du Net (pornographie enfantine, pornographie adulte en accès à des enfants, manipulations à visée politique, terroriste, xénophobe, raciale, homophobe) sont des dangers, mais l’éducation aux médias de nature analytique, réfléchissant sur les agissements criminels et antisociaux, valent mieux que l’interdiction pure qui suscite une frustration et une curiosité.

Certains médias sont touchés par la corruption, non pécuniaire, mais sous forme de pression morale d’une autorité, d’une puissance d’argent, et également autocontrainte, autocensure mettent à mal l’information démocratique. L’Internet est un moyen de lutter contre cette réalité.

Par ailleurs la loi du marché oblige à la rapidité, au bâclage : Travail difficile « des journalistes, d’abord parce qu’ils n’ont pas toujours le temps de vérifier leurs sources, à cause du milieu extrêmement compétitif de leur emploi, ensuite [parce qu’] ils sont facilement influençables […] »

Les médias sont des « multiplicateurs potentiels de désinformation ». Ils en font la mise en forme et la mise en scène. Ils ont le temps de « combattre une dépêche mal faite par un communiqué, mais personne ne résiste à l’émotion mondiale des images […] Un démenti tombe bien trop tard quand l’hystérie de l’actualité a remplacé un drame ou une indignation par une autre. » La publication internet peut se corriger rapidement, pas les éditions papier.

Mai Internet ne doit pas formater, il recèle la richesse des internautes : « L’alternative n’est pas entre l’universalisme au mépris de la diversité des ‘’cultures’’ et le relativisme par exacerbation des singularités » narcissiques. La perspective éthique justifie l’idée d’une citoyenneté universelle fondée sur les principes de la solidarité humaine. Cette citoyenneté « repose sur de nouveaux espaces de débats et […] le lieu d’engagements ». L’on passe du statut juridique étroit de protection des jeunes, au domaine ouvert de l’éthique à laquelle ils réfléchissent et qu’ils utilisent.